CAHIER |
La nation devant au Roi l'avantage
précieux de se réunir, le premier soin, le premier voeu de la noblesse du
baillage de Montargis est d'adresser à Sa Majesté, avec l'hommage de son profond
respect, les plus vifs remerciements sur la marque de bonté et de confiance
qu'elle veut bien lui témoigner en formant une assemblée nationale pour pourvoir
aux besoins urgents de l'État.
L'ordre de la noblesse du baillage de
Montargis a pensé que l'exposition de ses principes et de ses voeux devait être
établie dans trois titres divisés en plusieurs chapitres.
Le premier titre devra exprimer le
voeu de la noblesse pour régénérer et fixer la constitution.
Le second, les principes
d'administration qu'il est indispensable d'adopter.
le troisième, les réformations qui
lui ont paru nécessaires au bonheur de la nation.
La noblesse du baillage de Montargis déclare qu'elle est invariablement attachée au gouvernement monarchique, mais tempéré par des lois reçues et consenties librement par la nation et le monarque ; elle entend également que la loi qui établit la succession au trône dans la ligne directe masculine, soit maintenue dans toute sa pureté, et sans qu'aucune loi contraire puisse y porter atteinte, dans l'universalité des domaines et possessions de la couronne.
Arrête que les États généraux aboliront tout ce qui s'oppose
à la pleine liberté individuelle considérée dans toutes ses branches, et qu'ils
s'occuperont de la loi qui doit en déterminer et en indiquer les véritables
limites.
Que les députés nationaux ne seront point responsables au
pouvoir exécutif d'aucunes paroles, écrits ou démarches relatifs aux affaires
publiques, considérant leurs personnes comme inviolables ; mais qu'il sera
pourvu dans l'assemblée nationale à une police personnelle, soit pour le bon
ordre de l'intérieur, soit pour livrer à la justice ordinaire, après l'avoir
exclu, tout membre qui aurait eu le malheur d'y contrevenir, et mérité par là
d'y être traduit.
Que tout ministre, homme puissant ou autre, jouissant d'une
autorité quelconque, qui aurait sollicité, signé, surpris ou mis à exécution un
ordre arbitraire, illégal, attentatoire à la liberté d'un citoyen, soit pris à
partie par-devant les juges ordinaires, non-seulement pour y être condamné en
des dommages et intérêts, mais encore pour être puni corporellement, si le cas
l'exige ; entendant néanmoins ne porter aucune atteinte, par cet article, à la
discipline militaire exercée dans les armées, places et quartiers, sur ceux qui
y sont assujettis.
Il sera donné aux préposés à la sûreté publique d'apporter la
plus grande exactitude à viser les certificats et passe-ports de vagabonds et
gens sans aveu.
Quant à la sortie du royaume, tous les citoyens généralement seront assujettis à
se munir de passe-ports et à les représenter.
Il sera libre à toute personne de faire imprimer livres,
mémoires, observations, etc., etc., sous la condition que le manuscrit sera
signé de l'auteur ; l'imprimeur en sera dépositaire et responsable au moins
pendant trois mois, nous en rapportant aux États généraux pour statuer sur la
peine que pourront encourir les auteurs et imprimeurs en cas de contravention.
Nous désirons qu'il soit pris des moyens assurés pour soustraire à l'inquisition des postes toutes lettre et écrits de confiance, et que la taxe en soit faite avec plus d'équité.
Nous recommandons, sur l'article de la propriété, qu'aucune
autorité, de quelque nature qu'elle soit, ne puisse enlever au citoyen sa
propriété mobilière et immobilière, comme terrain pour chemins et canaux,
chevaux, voitures, etc., etc., à moins que l'utilité n'en soit reconnue
indispensable et jugée telle, de la manière la plus authentique par les États
provinciaux, à la charge, dans ce cas, d'une estimation au plus haut prix, et
d'en payer la valeur sans aucune espèce de délai, que celui qu'accorderait
volontairement le propriétaire.
Considérant donc que toute propriété est sacrée et inviolable, nous déclarons ne jamais consentir à l'extinction des droits qui jusqu'ici ont caractérisé l'ordre noble, et que nous tenons de nos ancêtres ; croyant avoir satisfait au voeu de l'ordre de la noblesse du royaume, de contribuer à supporter, avec égalité, le fardeau des charges publiques, à l'exception seulement de la milice et du logement des gens de guerre, nous prescrivons formellement à notre député de s'opposer à tout ce qui pourrait porter atteinte aux propriétés utiles et honorifiques de nos terres ; et nous entendons qu'il ne puisse se prêter à aucune modification ou remboursement de quelconque nature que ce puisse être, lesquels ne pourront jamais s'effectuer que de notre aveu et de notre consentement libre et individuel.
Que le retour périodique des États généraux, devant être
considéré comme un garant de la liberté publique et de l'exécution des lois sur
la liberté, la propriété et l'impôt, nous pensons que les États généraux qui
vont s'assembler doivent fixer les époques de ce retour à cinq ans, en observant
cependant que la nature et le nombre des choses à traiter semblent exiger que
l'époque de la seconde tenue en soit plus rapprochée.
Pour assurer infailliblement le retour des États généraux à
l'époque indiquée, il parait indispensable de stipuler de la manière la plus
formelle, que tous les impôts ou contributions quelconques qui pourront être
consentis par les présents États généraux et les suivants à perpétuité,
cesseront d'être perçus au dernier jour des cinq années, époque du
renouvellement de l'assemblée nationale, et qu'il sera défendu de la manière la
plus expresse, à tout percepteur de les lever et exiger, à toute province, corps
et particulier de les payer, sous telle peine qu'il sera statuée avec sévérité
par les États généraux.
Au moyen du retour périodique des États généraux ci-dessus
indiqué, et des précautions prises pour la cessation absolue de l'impôt, passé
l'époque fixée pour chacune tenue, nous pensons qu'aucune espèce de commission
intermédiaire ne peut être établie, et que son existence, loin d'être utile, ne
pourrait qu'être ou devenir très-préjudiciable aux intérêts de la nation.
En cas de guerre ou de régence, les États généraux seront convoqués extraordinairement, sans délai, et assemblés dans l'espace de deux mois. Pour le cas de régence, le chancelier sera tenu d'en faire la convocation.
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Le voeu formel de la noblesse du baillage de Montargis est
que l'ordre du clergé fasse à l'avenir, dans l'universalité de ses membres,
partie intégrale de l'ordre noble en France, de manière que les deux ordres
réunis n'en fasse plus qu'un seul, sous la dénomination de premier ordre du
royaume. Ne pouvant nous dissimuler que la partie de la nation la plus
nombreuse, la plus surchargée, la plus opprimée, quoique la plus utile, se
trouve privée de représentants, puisque le tiers-état des villes, par la
constitution actuelle, se trouve réunir tous les suffrages pour les élections,
nous insistons pour qu'il soit formé un nouvel ordre, sous le titre d'ordre des
campagnes, qui sera le troisième ordre du royaume, et qui députera aux États
généraux dans la proportion de sa population et de son utilité ; les communes
des villes continueront à former un ordre sous le titre de second ordre de la
monarchie.
La nation ainsi constituée, nous demandons que sa
représentation soit composée de douze cents membres au moins, et dans la
proportion qui suit ; savoir : six cents pour le premier ordre réuni,
conformément à l'article précédent ; trois cents pour le second ordre, ou les
communes des villes, et rois cents pour le troisième ordre, ou l'ordre des
campagnes.
Que les représentants des deux derniers ordres soient
librement et immédiatement élus ; savoir : ceux du deuxième ordre par les
députés des communes des villes, et ceux du troisième ordre par les députés
aussi librement élus des bourgs et villages par paroisse.
Que les représentants aux États généraux, de quelque province
qu'ils soient, une fois réunis à l'assemblée nationale, ne puissent plus se
regarder que comme les représentants de la nation entière ; et en conséquence
qu'aucune province, ville, corps, et même cour souveraine, ne puissent opposer
aucune sorte de privilège à la nation, et se soustraire à la pleine et entière
exécution des décrets de l'assemblée nationale, lorsque ces décrets seront
consacrés en loi par la sanction royale.
En attendant que les États généraux soient constitués ainsi
qu'il vient d'être indiqué, nous insistons pour qu'il soit opiné par ordre dans
l'assemblée nationale qui va avoir lieu.
Qu'aucun arrêt fait, soit dans les différents comités, soit
même dans l'assemblée générale, ne soit définitif qu'après un délai de huit
jours.
Nous entendons que le pouvoir des États généraux consiste :
1° à exposer au souverain les maux de l'État, et à lui indiquer le remède à y
apporter ; 2° de délibérer, d'arrêter et diriger les projets de loi, et les
présenter au Roi pour obtenir sa sanction ; 3° de délibérer encore sur le genre
des contributions, impositions ou emprunts qu'ils auront reconnus nécessaires
pour faire face aux dépenses indispensables et à l'acquittement de la dette, que
nous autorisons expressément à consolider, après en avoir reconnu l'existence et
la validité.
Convaincus de la nécessité de remettre le calme dans l'âme
des créanciers de l'État, et à faire renaître la confiance, nous enjoignons à
notre député de déclarer que notre voeu est que les États généraux consolident
la dette sans aucun retard, et la reconnaissent dette nationale.
Arrête que le pouvoir législatif réside essentiellement dans
la personne du Roi, avec la nation assemblée et consentante.
Que les États généraux ne se séparent pas avant d'avoir rédigé, de la manière la plus claire et la plus précise, la déclaration des droits de la nation, et les lois de sa constitution, pour être publiée à son de trompe par les hérauts, et lue au prône dans toutes les paroisses des villes, bourgs et villages, et déposée dans tous les greffes des juridictions, afin que tous et un chacun puissent prendre connaissance des lois suprêmes qui doivent contribuer désormais à la félicité de la nation française.
Que toutes les provinces d'élection soient formées en pays
d'États, composé de membres librement élus par les citoyens de ces provinces,
dans les mêmes principes ci-dessus proposés pour la formation des États
généraux.
Que le renouvellement des membres composant les États
provinciaux soit fait à des époques fixes, de manière qu'il n'en sorte à la fois
qu'un tiers.
Que ces États soient chargés, sous l'autorité du Roi, de
l'exécution des lois d'administration faites, et des établissements ordonnés par
l'assemblée nationale, relatifs à la culture, aux arts, à la communication, à la
subsistance, aux dépenses locales et à tout ce qui peut concourir à la
prospérité de chaque province ou État particulier.
Qu'il sera statué que les États provinciaux ne pourront
faire, pour leur État, aucune capitulation avec le gouvernement, et ne pourront
voter aucun subside, aucun don gratuit, sans le consentement des États généraux
assemblés.
Nous votons pour que la répartition, l'assiette et la perception de tous impôts, ou subvention quelconque, soient faites par les préposés établis par chaque État particulier, sur les citoyens de tous les ordres sans distinction, et que toutes les dépenses locales sous l'inspection des États provinciaux, la solde des troupes exceptée, puissent être acquittées dans chaque État, sans être tenu de verser dans le trésor de la nation que le surplus du produit de l'imposition qui n'aurait pas été employé à acquitter la dépense, soit publique, soit particulière de chaque État.
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Les ministres et tous autres ordonnateurs seront comptables
aux États généraux de l'emploi des fonds qui leur auront été confiés pour
l'administration de leur département, et ils seront responsables auxdits États
de leur conduite et de la violation des lois qui auraient été consenties par le
Roi et les États généraux.
Il sera posé comme principe fondamental de la constitution, que nulle loi suprême, promulguée par le Roi, et consentie par la nation, ne pourra être enfreinte, altérée ou mis en désuétude. Les administrateurs et les corps même en seront comptables et responsables au tribunal de la nation assemblée.
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Qu'aucun impôt ou contribution personnelle, réelle, ou sur
les consommations, direct ou indirect, manifeste ou déguisé, sous le nom
d'emprunt, vente d'office, etc., etc., sous quelque forme que ce puisse être,
même sous prétexte de police, ne puisse être établi, levé ou perçu dans aucun
lieu du royaume, qu'en vertu du consentement libre et volontaire de la nation
assemblée.
Pour assurer toute liberté à leur première tenue, les États
généraux devront supprimer tous les impôts actuellement existants, comme
illégaux, en observant de les recréer à l'instant même tels qu'ils sont, mais
provisoirement, et seulement jusqu'à la fin de l'assemblée, en sorte qu'ils
puissent vaquer aux soins des autres affaires nationales, sans pouvoir être
troublés par l'autorité exécutive, et que leur dernière opération devant être de
voter l'impôt, ils ne le consentent qu'après avoir obtenu la sanction royale sur
l'établissement des lois qu'ils auront créées pour la régénération de la
constitution, la sûreté personnelle et des propriétés.
Arrête que la contribution égale et proportionnelle de l'impôt entre les provinces, est aussi juste et nécessaire que celle entre les contribuables, et que les États généraux prendront cette matière importante en considération dans la répartition de l'impôt.
Nous votons, nous insistons même pour que les États généraux
prononcent une loi fondamentale sur la faculté d'aliéner les domaines du Roi,
qui doivent être mis sous la main de la nation, puisqu'elle se charge de la
dette. Cette disposition sera regardée comme de nécessité indispensable, par les
abus d'administration qu'elle supprimera, et les avantages que cette aliénation
totale et invariable procurera à l'agriculture et au commerce.
Quant aux domaines engagés, les États généraux seront
autorisés à y rentrer, dans quelque main qu'ils se trouvent ; les connaissances
et détails relatifs à cet objet leur seront communiqués, et ils seront autorisés
à former une commission choisie parmi les membres desdits États, qui appelleront
auprès d'eux telles personnes qu'ils jugeront nécessaire ; ladite commission
s'en occupera avec toute la diligence possible.
Le remboursement des finances fournies par les engagistes, et
dont ils rapporteront les quittances, sera fait, eu égard du prix du marc
d'argent, à l'époque des différentes finances qu'ils justifieront avoir payées.
Tous les domaines qui seront indiqués pas Sa Majesté comme
inutiles à son habitation, à ses plaisirs et à l'usage de la famille royale,
seront vendus par ladite commission, et elle fera procéder successivement à la
vente des domaines engagés, à mesure que la nation y rentrera. Les engagistes
actuels auront la préférence de l'enchère à prix égal.
Les nouveaux propriétaires de ces domaines le seront
incommutablement, et ces propriétés leur seront garanties expressément par les
États généraux, au nom de la nation.
Les fonds résultant de toutes ces ventes seront remis dans la caisse nationale, établie pour amortir la dette, et seront employés à cet usage.
Nous votons pour la suppression totale et absolue des ordres
mendiants et monastiques : pour y parvenir, il sera proposé d'admettre à la
sécularisation ceux qui annonceront ce voeu ; il leur sera affecté des pensions
de 1,000 à 1,200 livres, suivant leur âge, sur les biens de la maison qu'ils
auront quitté ; quant à ceux qui persisteront à suivre la profession monastique,
ils seront réunis dans les maisons de leur ordre, jusqu'à leur extinction, en
tel nombre qui sera fixé, pour y pratiquer la règle de leur institution
primitive.
Les biens provenant de ces différentes suppressions seront
vendus, à la charge d'entretenir les pensions qui y sont affectées, et de payer
le capital à 5%, à mesure des extinctions desdites pensions. Les fonds qui
proviendront, tant de ces ventes que de ces remboursements, seront versés dans
une caisse tenue par chaque province ou État particulier, pour en faire la
répartition parmi les curés et vicaires de la province ou de l'État qui auraient
un traitement insuffisant pour leur subsistance : le surplus sera employé à
l'acquittement des droits des fondateurs, et à la liquidation de la dette du
clergé, dont la nation doit se charger, à l'exception toutefois des sommes qui
ont été empruntées par lui pour son don gratuit.
Quant aux ordres mendiants, n'ayant nulle ou trop peu de propriétés, ils seront réunis dans les couvents de leur ordre, au nombre de dix au moins, et toutes les maisons qui, par cette réunion, se trouveraient vacantes, seront vendues par le ministère public ; sur les fonds qui en proviendront, seront prélevées des pensions pour l'existence des religieux dans leur nouveau couvent, et le surplus sera appliqué à la liquidation des dettes du clergé.
Nous pensons que les États généraux doivent statuer une loi
sur les non catholiques, par laquelle ils abrogeront tous les édits et
déclarations rendus jusqu'ici pour ou contre eux, et qui les rétablisse dans
tous les droits des citoyens, relativement à la pratique de leur religion, la
possession des charges et emplois, et qu'ils jouissent enfin des mêmes honneurs,
privilèges, prérogatives que les autres citoyens du royaume, devant faire
disparaître pour jamais toute distinction qui pourrait leur être préjudiciable
ou humiliante.
A l'égard du serment exigé, tant par les cours de justice, que par les ordres militaires et autres, les citoyens ne seront tenus à l'avenir qu'à prêter celui de fidélité au Roi, à la patrie et à l'observation exacte des lois, etc., sans que le culte puisse y entrer pour quelque chose.
CHAPITRE PREMIER |
Arrête que tout impôt actuellement existant, non commun aux
trois ordres, sera supprimé par l'axiome que toute personne, de quelque
qualité et condition qu'elle soit, doit payer en raison de sa propriété ;
l'ordre de la noblesse exclut cependant de cette loi les impositions qui
pourraient être mises pour la milice et le logement des gens de guerre, dont
elle doit rester toujours exempte.
Que la taille et le vingtième soient convertis en une
subvention portant sur l'universalité des biens sans aucune exception.
Reconnaissant combien il est difficile d'indiquer un système d'imposition qui réunisse à la fois l'avantage d'une répartition plus égale et de subvenir à tous les besoins de l'État, que nous ne pouvons connaître dans toute leur étendue, nous nous bornons à recommander à notre député de prendre, sur cet objet important, tous les éclaircissements et les connaissances qui pourront le conduire à se ranger de l'avis qui lui paraîtra avoir le plus d'avantages et le moins d'inconvénients.
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Avant de constater la dette, et régler les impositions, les
États généraux devront s'occuper de la répartition des fonds entre les
différents départements : notre respect pour la majesté royale ne nous permet
pas de déterminer ici la quotité des sommes à affecter pour le soutien de la
splendeur du trône ; nous nous bornons à supplier le Roi de vouloir bien faire
connaître ses intentions sur l'étendue des fonds qu'il juge convenable que l'on
fixe pour l'entretien de sa maison, celle de la reine et des princes, ses frères
et neveux.
La sûreté du royaume et la dignité de la nation exigeant
qu'il soit entretenu une armée assez bien constituée pour être portée sans
effort au point nécessaire pour protéger nos propriétés, seconder nos alliés,
attaquer nos ennemis, nous votons pour que les États généraux, en affectant un
fonds pour le service du département de la guerre, prescrivent en même temps la
quantité de troupes de chaque armée qui devront être entretenues de manière à
agir au premier ordre.
Nous formons le même voeu pour ce qui concerne le département
de la marine.
Nous ne saurions trop recommander que dans la distribution
des fonds du département des affaires étrangères, on limite ceux destinés aux
affaires secrètes, en convenant qu'il serait aussi indiscret qu'inutile de
porter le flambeau sur cette partie de l'administration. Nous sentons cependant
la nécessité de recommander de prendre les moyens les plus efficaces pour qu'un
objet d'utilité politique ne devienne pas une source d'abus.
Bien persuadés qu'il n'a pas échappé à Sa Majesté que depuis trois règnes les fonds énormes qui ont été employés dans le département des bâtiments ont nécessairement contribué au dérangement des finances du royaume, nous ne doutons pas qu'elle n'approuve le voeu que nous formons pour que les États généraux réduisent les fonds de ce département à l'absolu nécessaire pour l'entretien des maisons royales que Sa Majesté sera suppliée d'indiquer et qu'elle croira devoir conserver.
Nous pensons que la denrée de première nécessité, celle sur
laquelle repose la tranquillité publique, ne doit être grevée d'aucune
imposition, et que la liberté indéfinie de la circulation dans le royaume doit
être accordée pour tous les grains. Nous pensons que les lois à porter par les
États généraux, sur cette partie importante, ne doivent regarder que
l'exportation de cette denrée à l'étranger.
Observant néanmoins que la police des marchés pourra, quand les grains seront à un haut prix, sévir contre les particuliers qui détourneraient, aux issues des marchés, les grains qui y seraient destinés, ou qui les accapareraient avant l'ouverture desdits marchés.
Nous désirons que les États généraux s'occupent de l'administration des établissements de charité, et en conséquence qu'ils chargent une commission de statuer des règlements sur cette partie qui intéresse si essentiellement l'humanité ; nous pensons que les seigneurs doivent avoir la présidence de ces assemblées, comme ayant le plus de moyens de pourvoir aux besoins des pauvres de leur paroisse : les curés doivent y être les rapporteurs, par la connaissance immédiate qu'ils sont censés avoir des secours à répandre, et en cas d'absence des seigneurs, ils doivent les présider.
CHAPITRE PREMIER |
Convaincus de la nécessité de la réformation de la loi
criminelle, nous pensons qu'il n'échappera pas aux États généraux qu'un des
premiers exercices de leurs pouvoirs doit être de prendre en considération ce
bouclier de la sûreté publique, et jugeant de l'impossibilité de statuer
définitivement sur cette partie importante, pendant le temps de leur tenue, nous
votons qu'il soit établi une commission à l'effet de rédiger un nouveau code
criminel ; mais en attendant qu'elle ait rempli ce voeu public, nous pensons
qu'il faut statuer :
- Que l'instruction des procès criminels soit publique.
- Qu'il soit donné un conseil à l'accusé.
- Que la copie de son interrogatoire ne lui soit pas refusée, s'il la demande.
- Que la sellette soit supprimée.
- Que la peine de mort ne soit prononcée que contre les homicides volontaires et
les incendiaires.
- Que le crime du coupable soit énoncé d'une manière précise dans l'arrêt de la
condamnation.
- Qu'il ne puisse être exécuté sans la signature personnelle du Roi.
La noblesse du baillage de Montargis supplie Sa Majesté de
chercher à détruire le préjugé funeste qui, en livrant au glaive de la justice
les membres de son ordre, n'en laisse pas moins sur ceux de sa famille une tache
que la punition personnelle devrait effacer.
Les erreurs trop fréquentes de la justice criminelle devenant
annuellement la source du malheur de plusieurs familles, nous pensons qu'il est
aussi équitable que nécessaire de voter un fonds destiné à réparer les dommages
et préjudices qu'emporte une captivité longue, ou l'exécution d'un jugement
erroné.
Nous ne pouvons terminer ce chapitre sans faire connaître le désir que nous avons que le code criminel à former établisse, comme principe, le droit d'être jugé, quant au fait, par ses pairs.
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La multiplicité des lois civiles, leur contrariété, font
assez sentir la nécessité d'une refonte totale ; nous votons pour que les États
généraux établissent une commission à cet effet.
Nous devons cependant faire connaître ici le désir de l'ordre
de la noblesse sur quelques points importants de la législation et sur la
manière de l'exercer.
Nous insistons pour qu'il soit pris les mesures les plus efficaces, à l'effet
d'abréger la longueur des procédures et détruire leur complication, diminuer le
droit du fisc, prévenir le renvoi des causes par appointement, en supprimant
absolument l'intérêt des juges à cet égard.
Nous recommandons que l'on change les formes des décrets, des
saisies réelles, des consignations, et surtout celle des hypothèques, où la
fiscalité seule a guidé le législateur au mépris de la propriété, et nous votons
aussi pour la suppression totale des arrêts de surséance.
Qu'à l'avenir toutes commissions et attributions
extraordinaires soient supprimées, et que les droits de committimus
cessent d'exister.
La noblesse vote encore pour que désormais les arrêts de cassation soient réduits au seul cas textuellement exprimé par l'ordonnance.
Considérant que les juridictions sont trop multipliées en
France, nous votons pour la suppression du grand conseil, pour la réunion des
cours des aides aux chambres des comptes, la suppression des officialités, et de
tous les tribunaux ecclésiastiques dans le royaume.
Nous votons encore pour la suppression des tribunaux
d'exception dans les provinces, tels que les élections, bureaux des finances,
greniers à sel, eaux et forêts ; et dans le cas où l'on jugerait que la
connaissance des différentes affaires, ressortissant à ces tribunaux, dut être
attribuée à une autre juridiction que le baillage ordinaire, nous pensons qu'il
serait suffisant d'établir un seul tribunal qui réunirait les fonctions de
toutes les juridictions supprimées, à l'exception de ce qui peut concerner les
voiries, qui doivent appartenir essentiellement aux États provinciaux.
Nous insistons pour que les justices seigneuriales soient
maintenues, les considérant comme des propriétés inviolables et utiles aux
justiciables. Nous insistons également sur la nécessité de former des
arrondissements plus égaux à chaque baillage, et qu'il puisse juger à la
concurrence de 2,000 livres.
Nous votons pour que les États généraux prennent en
considération la réduction indispensable du ressort des cours souveraines, afin
d'en rapprocher les justiciables.
Nous désirons que la commission nommée par les États généraux
pour la réformation des lois et des tribunaux, établisse comme principe, qu'à
l'avenir les juges recevront l'intérêt légal de la finance de leurs offices ;
que, pour leur travail particulier, il soit payé à raison de leur assistance à
chaque séance, ce dont les absents seront privés ; par ce moyen les épices se
trouveront supprimés, et les plaideurs ne seront plus tenus qu'à payer les
droits du fisc.
Qu'il soit établi une amende sur les plaideurs inconsidérés,
une plus forte sur ceux qui succomberont à l'appel, une plus forte encore sur
ceux convaincus de persécution, d'injustice manifeste ; la peine de cette
dernière amende devra être motivée dans le jugement. Les fonds provenant de ces
amendes doivent suffire aux appointements de tout l'ordre de magistrats, en y
comprenant les droits du fisc.
On ne sera reçu dans les tribunaux supérieurs qu'à l'âge de
vingt-cinq ans accomplis, et sur un certificat de service dans un tribunal
inférieur pendant cinq ans, ou de cinq années de profession d'avocat dans une
cour souveraine, sans qu'il puisse jamais être donné ni enregistré aucunes
lettres de dispense d'âge ou d'étude.
Le grand nombre de procureurs et autres suppôts de justice étant un fléau, leurs offices seront supprimés et remboursés, et ils ne seront à l'avenir pourvus que par commission.
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Nous votons pour que les États généraux fixent
désormais ce qui sera ville, bourg, village et hameau, autant pour prévenir les
surcharges d'imposition, qu'un enlèvement à l'agriculture d'un nombre
d'habitants qui, de très utiles qu'ils pourraient être, deviennent d'inutiles
citadins ; nous demandons que tout lieu qui ne contiendra pas six cents feux,
qui avait le titre de ville, en soit déchu et déchargé, pour l'avenir, des
impositions sur les villes ; les bourgs auront au moins trois cents feux réunis
; les villages auront une paroisse, et les hameaux seront la réunion de
plusieurs maisons sans paroisse.
Convaincus des préjudices notables que porte à l'agriculture
la multitude de fêtes, nous votons pour qu'elles soient toutes supprimés dans le
cours de la semaine, et renvoyées au dimanche, à l'exception néanmoins des fêtes
de Noël, l'Assomption, la Toussaint et la Fête-Dieu ; les fêtes patronales
seront également renvoyées au dimanche.
Sera suppliée Sa Majesté de ne plus accorder de survivance à
l'avenir, ni de conférer à la même personne plusieurs dignités, grades, charges,
bénéfices, emplois et commissions qui pourraient être répartis sur plusieurs.
Sera également suppliée Sa Majesté de supprimer pour toujours
le droit qu'ont acquis certaines charges de conférer la noblesse, et de la
rendre transmissible, en maintenant néanmoins ce droit à ceux qui en sont
pourvus. La noblesse du baillage de Montargis est persuadée que le Roi
accueillera les voeux qu'elle forme, pour qu'à l'avenir la noblesse ne soit
accordée qu'à ceux qui, par leurs vertus, leurs services et leurs actions,
auront assez bien mérité de la patrie et de leur État, pour que la demande de
cette grâce honorable en soit faite par l'État provincial de Sa Majesté.
L'inconvénient de laisser un seul homme chargé du sort de la
noblesse du royaume, pour en constater l'existence, nous a trop frappé pour que
nous ne votions pas d'une manière positive sur l'érection d'un tribunal
héraldique, qui sera chargé à l'avenir de l'examen des titres ; le généalogiste
des ordres du Roi en sera établi rapporteur.
Arrête que les députés appartenant à la représentation
nationale, à quelque degré que ce soit, ne pourront recevoir, sous nul prétexte,
aucune grâce extraordinaire du pouvoir exécutif.
Que les députés de la nation ne puissent s'engager au delà
des bases consignées dans les cahiers dont ils sont porteurs ; qu'ils ne
puissent excéder dans leurs prétentions les demandes qui y sont contenues, et
que la durée de leur pouvoir soit fixée à un an du jour de l'ouverture des États
généraux.
Nous votons pour qu'à l'avenir les annales soient supprimées,
et que le droit d'accorder des dispenses soit conféré aux archevêques et évêques
dans leur diocèse, sans qu'ils puissent rien exiger des personnes qui en
solliciteront.
Sa Majesté sera suppliée de vouloir bien ordonner, le plus promptement possible, une nouvelle publication de la déclaration qui défend le port d'armes, et particulièrement celui d'armes à feu, aux personnes qui n'en ont pas le droit, afin de prévenir les excès auxquels pourraient se livrer dans ce moment ceux à qui la loi l'interdit.
Fait et arrêté en
l'assemblée générale de la noblesse du baillage de Montargis, tenue le 22 mars
1789. Signé L. de Mousselard père, le comte de Bethisy, P.-J. de la Haye,
d'Albizzi, Birague l'aîné, le vicomte de Machault, Birague de l'Isledon, P.-G.
David, Ravault de Mousseaux, L.-D. de Mousselard, P.-H. David de Mont-Martin,
C.-N. chevalier de Noyrat, de Prévost, Le Petit, J.-B. chevalier de Mousselard,
L.-V. de Mousselard, Trezin de Lombreuil, de La Perrière-Desperreaux, L.-C. de
Mousselard, D.-L. Chassain de Chabet, le comte de Sampigny, le baron de Villemor,
de La Garde, de La Perrière, S.-Marie Dessavoyer, le marquis Duquesne,
David de Conflans, Le Maire du Chamoy le
fils, Duchemin de Chasseval, Bouvier de la Motte, le chevalier Bouvyer de
Gondreville, le chevalier Crocquet de Montreuil, de Masclary, de Fontenay, Le
Coustellier, de Fretat du Chassaing, Crocquet de Beligny, de Guerville, Piochard
de la Brulerie, Noyrat de Platteville, le comte d'Autry, Gislain de la
Vieille-Ferté, Mousseray de la Pairrière, le vicomte Henri de Segur, le
chevalier de Birague, marquis de Tombeboeuf.
Commissaires : MM. Rogres, marquis de Champignelles, Le Maire du Charmoy,
le marquis de Montigny, Fougeret, le comte de Nithon, Gislain, baron de Bontin,
de Portelance, de Birague d'Apremont, secrétaire, le comte de la Touche,
président.