Le premier abbé, Etienne, était arrivé de l' abbaye mère de Pontigny en 1124 avec 12 religieux ; la construction commença vers 1140; l'église fut consacrée en 1173.
En 1148, Pierre de France, frère de Louis VII et mari de la petite fille de Miles de COURTENAY, en fit une abbaye royale.
L' église était longue de 84m ; la nef large de 10m, épaulée par des arc-boutants et couverte par des voûtes de 30m de haut. Le choeur était un carré de 24m de côté ; le transept était long de 40m et haut de 15 ; deux collatéraux de 5m de large longeaient la nef, le transept et le chœur.
Sous le choeur se trouvaient les caveaux des seigneurs de Courtenay.
En 1189, on compte 80 moines et 400 étudiants; les cloîtres comprennent 80 cellules, les bâtiments agricoles rassemblent moulin, forge, four à chaux, tuilerie, grange aux dîmes, pressoir, celliers…
Le domaine de l' abbaye s'étend considérablement jusque vers 1300 : les moines procèdent à la création d'étangs ou de carrières de marne, à la construction de granges, moulins et fours, fondent des villages et des fermes, plantent des vignes, exploitent des forêts.
Vers 1358-1360, des brigands avec à leur tête l'anglais Robert Knolles pillent l' abbaye. En 1376, Charles V la fait relever. En 1422, nouveau pillage par les Anglais.
De 1506 à 1524, on bâtit la chapelle Saint-Laurent dans le hameau voisin.
En 1561, Odet de Châtillon, fils de Gaspard 1er de Coligny, 1er abbé commendataire de l' abbaye, abjure le catholicisme.
A cette époque des Guerres de religion, l'abbaye se transforma en une forteresse tenant en échec les châtelains protestants du voisinage.
Octobre 1562 :
L'abbaye de Fontaine-Jean, située entre Châtillon-sur-Loing, chef-lieu de canton du département du Loiret, et Champignelles, petite ville du canton de Bléneau, département de l'Yonne, à 42 kil. d'Auxerre, avait été transformée par les catholiques en une forteresse d'où ils tenaient en échec les châteaux protestants du voisinage. Elle fut prise d'assaut par une troupe envoyée d'Orléans, et les moines et soldats qui la défendaient massacrés jusqu'au dernier. De Bèze, dont le récit ne peut être accepté que sous réserve, raconte ainsi cet incident qui prouve bien l'acharnement de cette guerre.
"En ces entrefaites, les moines de l'abbaye de Fontaine-Jean, à
"deux lieues de Châtillon, gens débordés de tous temps en
"toute méchanceté, quoique le cardinal de Châtillon fut leur
"abbé, firent de leur abbaye une véritable retraite de brigans,
"se ruant sur les passans et pillant les métairies voisines. Étant
"cela rapporté à Orléans, y fut envoyé Dampierre avec 30 ou
"35 lanciers écossais, lequel arrivé à Châtillon le 5 octobre, y
"mit si bon ordre, que les moines, s'étant mis sur leur défense
"avec les soldats qu'il avaient retirés, y demeurèrent quasi
"tous, les uns tués en se défendant, les autres s'étant sauvés au
"clocher dont ils ne purent jamais être dénichés que par le feu
"qui les y brula avec la plupart de leur temple."
Ambroise Challe - Histoire des guerres du Calvinisme et de la Ligue dans l'Auxerrois, le Sénonais et les autres contrées qui forment aujourd'hui le département de l'Yonne - Tome I, pages 96 & 97.
Vers 1595, le nouvel abbé commendataire sépare la nef du choeur par un mur, élève un clocher de bois au collatéral sud, divise le transept sud, abîmé, par un plancher : en bas les magasins, en haut, 8 cellules de moines. Les matériaux de la nef détruite servent à reconstruire les bâtiments conventuels.
En 1716, un ouragan ruine le logis abbatial.
Dom Feroux, prieur de 1761 à 1769, fait restaurer l' église.
En 1790, la chapelle Saint-Laurent est détruite, puis la maison conventuelle est vendue et l'église est pillée en 1794. Vendue comme bien national, elle est débarrassée de sa toiture et la flèche du clocher est démontée.
En 1820, les voûtes s' effondrent. De 1822 à 1834, le préfet Mésange continue la destruction de l' église et en vend les matériaux.
Vers 1840, destruction du logis abbatial et construction d' une maison de campagne.
Vers 1845, destruction des caveaux seigneuriaux.
1862 : chute de l' arc triomphal.
Aujourd'hui, il subsiste les vestiges du mur sud de la nef, le collatéral est du transept nord, l' une de ses voûtes, et la grange des dîmes.
Au 20e siècle, une maison secondaire a été aménagée dans le transept nord et l'abbaye demeure une propriété privée. Mais la balade est charmante pour approcher ces ruines illustres, dans un vallon où la route passe à gué au milieu d'un joli petit hameau.